Ambassadeur Zeng Xianqi au Quotidien luxembourgeois: «Des relations excellentes»
2012-11-05 16:33
 
 

Pour le 40e anniversaire des relations diplomatiques sino-luxembourgeoises, l'ambassadeur Zeng Xianqi dresse un état des lieux.

 
Entretien avec le journaliste du <Quotidien> Jean Rhein


L'ambassadeur de la République populaire de Chine, Zeng Xianqi, évoque le 40e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et le Luxembourg qui sera commémoré le 16 novembre prochain.
 
À quoi avez-vous pensé lorsque vous avez appris que vous seriez nommé ambassadeur au Grand-Duché de Luxembourg?
 
En novembre 1972, la Chine et le Luxembourg ont établi leurs relations diplomatiques au niveau d'ambassadeur. Je suis le 13e ambassadeur de Chine accrédité au Grand-Duché. Avant mon départ pour le Luxembourg, j'ai visité le pavillon luxembourgeois à l'Exposition universelle de Shanghai. Entretemps, je me suis rendu compte que le Luxembourg est un très beau pays situé au cœur de l'Europe, doté d'une position stratégique, malgré sa petite taille et qu'il possède de nombreux atouts tels qu'un peuple intelligent et laborieux. Je suis ravi de pouvoir travailler ici et je ne ménage aucun effort pour promouvoir les relations amicales et la coopération entre les deux pays. Je remercie le gouvernement luxembourgeois, les amis des milieux d'affaires, de la culture et des médias pour leur soutien précieux depuis mon arrivée au pays il y a deux ans.
 
Quels ont été les faits marquants dans la période des quarante ans de relations diplomatiques entre nos deux pays?
 
Pendant les 40 ans écoulés, les relations bilatérales entre les deux pays se sont développées dans de bonnes conditions, avec une coopération fructueuse dans les domaines les plus variés.
 
Sur le plan politique, les échanges de haut niveau se sont multipliés et la confiance mutuelle n'a cessé de se renforcer. Les deux chefs d'État ont échangé des visites en 1979 et 1987 respectivement. Six fois déjà, le Grand-Duc s'est rendu en visite en Chine. Et le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, qui était d'ailleurs le premier dirigeant occidental à visiter la Chine, en 1989, huit fois. Les présidents successifs de la Chambre des députés ont visité la Chine. Du côté chinois, un président, deux Premiers ministres et plusieurs vice-Premiers ministres ont visité le Grand-Duché. Les rencontres fréquentes entre les hauts dirigeants sont importantes, elles permettent d'élargir les points communs, de renforcer la confiance mutuelle, et d'orienter et dynamiser les rapports bilatéraux. Les échanges économiques et commerciaux entre les deux pays ont maintenu un élan favorable, avec une interaction sans cesse renforcée. Des accords ont été signés sur la coopération économique, industrielle et technologique, sur la protection des investissements et la non double taxation. Ayant des caractéristiques bien différentes, nos deux économies sont très complémentaires. Les deux gouvernements attachent l'un comme l'autre une grande importance au renforcement de leurs liens économiques et œuvrent ensemble à créer un environnement propice à la coopération économique. En tant que pays fondateur de l'UE, le Luxembourg est un partenaire important de la Chine au sein de l'UE, en matière d'investissements notamment, le Grand-Duché étant la première destination d'investissements directs chinois vers l'UE. En 2011, les investissements directs chinois vers le Grand-Duché ont atteint 1,86 milliard de dollars ce qui représente 43,5 % des investissements chinois vers l'UE. L'excellent environnement financier du Luxembourg, son cadre réglementaire de qualité et son marché ouvert ont motivé les entreprises chinoises à y investir et à le prendre comme un "hub" important vers l'Europe et vers le monde. Le Luxembourg est pour la Chine l'une des sources principales d'investissements européens. En 2011, les investissements luxembourgeois vers la Chine ont atteint 510 millions de dollars, un chiffre plus que doublé, qui le place au neuvième rang parmi les pays européens.
 
Aujourd'hui, la Chine est pour le Luxembourg le plus grand partenaire économique en Asie et le deuxième partenaire hors UE. Selon les statistiques de la douane chinoise, le volume commercial sino-luxembourgeois en 2011 a atteint 1,905 milliard de dollars, alors que celui des sept premiers mois en 2012 a déjà atteint 1,5 milliard de dollars. En plus du commerce, la coopération entre les deux pays couvre divers secteurs dont la finance, la logistique, l'énergie, l'industrie manufacturière, la haute technologie, la construction et le service. Les secteurs bancaires des deux pays ont commencé leurs échanges en 1973, avec la mise en place de banques correspondantes. La Bank of China a instauré en 1979 sa branche au Luxembourg, suivie par l'Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), 20 ans après. Des entreprises chinoises, dont Huawei Technologies, se sont aussi installées au Grand-Duché. Les deux pays ont établi un partenariat étroit et mutuellement avantageux au bénéfice des deux peuples.
 
Quel a été l'événement le plus important pour vous?
 
En mai 2012, le président du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale (APN) de Chine, M. Wu Bangguo, a effectué une visite officielle et amicale au Luxembourg. Ce fut la première visite au Luxembourg d'un président de l'APN, numéro deux de la Chine, et ainsi la visite de plus haut niveau depuis bien des années. Durant cette visite importante, M. Wu a eu un échange approfondi avec le Grand-Duc Henri, le président (de la Chambre), Laurent Mosar, et le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, sur les dossiers d'intérêt commun dont la coopération et les échanges bilatéraux dans les domaines politique, économique, technologique et culturel. La visite a aidé à promouvoir les échanges entre les deux pays et à approfondir la confiance mutuelle et la coopération pratique.
 
Que pensez-vous aujourd'hui de la participation luxembourgeoise à l'Exposition universelle de Shanghai en 2010?
 
Pour le Grand-Duché, l'envergure de sa participation, les ressources financières et humaines utilisées ainsi que le résultat obtenu ont tous battu le record historique : le premier voyage international de la Gëlle Fra, le pavillon le plus grand depuis sa participation aux expositions universelles, sept millions de visiteurs pour son pavillon national. Le pavillon était magnifiquement aménagé, évitant de trop longues files, contrairement aux pavillons d'autre pays. Le Luxembourg a bien saisi l'opportunité et a profité de la plate-forme offerte par l'Expo de Shanghai pour promouvoir sa coopération avec la Chine et le reste du monde. Le pavillon du Luxembourg a illustré parfaitement l'intelligence et la créativité de son peuple. Il figure parmi les six pavillons qui restent sur le site de l'exposition et sera réouvert au public à partir de novembre, après des travaux de restauration.
 
Que pensez-vous du rôle du Luxembourg dans l'Eurogroupe?
 

En tant que pays fondateur de l'Union européenne, le Luxembourg joue un rôle important et unique dans les institutions européennes dont l'Eurogroupe. Depuis l'éclatement de la crise de la dette européenne, M. Juncker a coordonné activement les positions des parties concernées en insistant sur le soutien aux pays membres en crise dont la Grèce, sur la consolidation de l'euro et sur le renforcement de la gestion économique de la Zone euro. La tenue du sommet d'été de l'UE et notamment la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui siège au Luxembourg ont permis une détente de la situation en Europe, très perturbée par la crise de la dette souveraine. La partie chinoise entend renforcer ses concertations avec la partie luxembourgeoise sur la coopération sino-européenne et la solution de la crise de la dette européenne.
 
Comment vont se développer les relations entre les deux pays?
 
La Chine est un pays prometteur et les relations sino-luxembourgeoises ont devant elles de belles perspectives. Ce 40e anniversaire des relations diplomatiques n'est qu'un nouveau point de départ. Il faut continuer à dépasser la différence du système politique, à maintenir l'élan des échanges de visite de haut niveau et aux autres échelons, à renforcer le dialogue et la communication, à élargir les points communs, à réaliser de nouvelles percées dans le renforcement de la confiance mutuelle et à assurer la bonne orientation des relations bilatérales. Il faut travailler davantage sur la qualité, les domaines et les modes de la coopération, afin d'assurer le bénéfice mutuel et une situation gagnant-gagnant au profit des deux peuples. Le Luxembourg a attiré de plus en plus de sociétés chinoises, par sa place financière renommée d'une histoire de 40 ans, sa main-d'œuvre bien qualifiée, sa situation géographique avantageuse, son bon environnement de fiscalité et d'infrastructures. La coopération bilatérale a devant elle de nouvelles opportunités grâce à la croissance du marché en Chine, à l'update (NDLR : renouvellement) de son industrie et de nouveaux secteurs stratégiques encouragés par le gouvernement chinois dont la production industrielle de haut de gamme, les nouvelles technologies, le service moderne, l'efficacité énergétique et l'écologie. La partie chinoise va prendre des mesures encourageant et soutenant les sociétés chinoises à élargir leur coopération avec le Luxembourg dans le commerce et les investissements. Nous espérons que les autorités luxembourgeoises pourront renforcer leur communication avec les sociétés chinoises et accorder aux investisseurs chinois plus de facilités concernant le financement, le recrutement ou l'obtention de visas et de permis de séjour.
 
Que pouvons-nous (le Luxembourg) apprendre de la Chine?
 
Chacun a ses avantages et atouts. Le Luxembourg possède une grande richesse culturelle, des technologies industrielles et scientifiques avancées. La Chine dispose d'une brillante civilisation cinq fois millénaire, et fière de sa détermination à construire un État moderne. Les deux peuples sont intelligents et laborieux, aspirant à un meilleur avenir.
 
Quelles sont les meilleures pratiques luxembourgeoises que vous communiquez aux autorités de votre pays?
 
Malgré l'exiguïté de son territoire, le Grand-Duché a de riches expériences en gestion de crise financière, en développement économique, en promotion du bien-être social et en efficacité énergétique. Les Luxembourgeois sont modestes, hospitaliers, sérieux et efficaces dans leur travail, capables de parler quatre ou cinq langues, ou même plus. La dimension internationale et l'ouverture du pays sont impressionnantes : 44 % de la population sont des étrangers, pourtant tout le monde se réjouit de la cohabitation en paix et en harmonie. Au Luxembourg, non seulement le gouvernement œuvre à établir des stratégies à long terme sur le développement durable, mais aussi le peuple est hautement sensible à la protection écologique. Ce qui assure le bel environnement du pays. Je pense que la Chine pourrait beaucoup s'inspirer des expériences du développement du Grand-Duché.
 
Vous parliez de la différence des régimes politiques des deux pays. En quoi la Chine est-elle un pays communiste?
 
C'est toute une question!
 
Mais plus concrètement?
 
La principale caractéristique est que l'État dirige l'économie et fournit des orientations à la vie sociétale.
 
Voilà un enseignement qui pourrait nous servir également. D'autant plus que J.-Cl. Juncker se plaît à rappeler qu'il est le dernier des communistes...
 
Il l'a dit, en effet. Beaucoup de Chinois connaissent le Premier ministre Juncker de par sa fonction de président de l'Eurogroupe et son poids dans la gestion de la Zone euro et la construction européenne.
 
Qui préféreriez-vous à la tête des États-Unis d'Amérique. Barack Obama ou Mitt Romney?
 
C'est au peuple américain de répondre à cette question.
 
Est-ce que vous avez une nouvelle mission depuis que le Luxembourg occupe un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies?
 
Recevez mes vives félicitations au Luxembourg pour son élection comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, grâce à ses efforts depuis de longues années. Une fois élu, le Luxembourg a davantage de responsabilités à assumer. La Chine se félicite de la nouvelle mission du Luxembourg et est prête à renforcer ses concertations et sa coopération avec le Luxembourg au sein du Conseil afin de contribuer conjointement au maintien de la paix et de la sécurité internationales.



Déclaration de l'ambassadeur de Chine sur la question des îles Diaoyu Dao (2 novembre 2012).

 
À la suite de l'entretien avec Le Quotidien, l'ambassadeur de la République populaire de Chine, Zeng Xianqi, a fait la déclaration suivante, tenant à rappeler la position solennelle de la Chine sur Diaoyu Dao : «Diaoyu Dao et ses îlots affiliés font partie intégrante du territoire chinois depuis l'Antiquité. La Chine en possède des preuves historiques et juridiques incontestables. En 1895, vers la fin de la guerre sino-japonaise de 1894, le Japon s'est emparé de ces îles et a forcé le gouvernement chinois à signer un traité inégal pour lui céder des territoires, dont Diaoyu Dao et ses îlots affiliés. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en vertu des instruments internationaux comme la Déclaration du Caire et la Déclaration de Potsdam, les territoires chinois occupés par le Japon dont les Diaoyu Dao ont été restitués à la Chine. Le soi-disant "achat" de Diaoyu Dao et de certains de ses îlots affiliés ainsi que les autres actes unilatéraux entrepris par le gouvernement japonais constituent une grave violation de la souveraineté chinoise, une remise en cause ouverte de la victoire de la guerre mondiale contre le fascisme et un défi grave à l'ordre international de l'après-guerre de même qu'aux buts et principes de la Charte des Nations unies. Ils sont tout à fait illégaux, nuls et non avenus, et ils ne changeront en aucun cas les faits historiques de l'occupation de territoire chinois par le Japon ni n'ébranleront nullement la souveraineté territoriale de la Chine sur Diaoyu Dao et ses îlots affiliés. Le gouvernement chinois reste déterminé à défendre la souveraineté territoriale du pays. La partie chinoise exhorte vivement la partie japonaise à arrêter immédiatement tout acte portant atteinte à la souveraineté territoriale de la Chine, à corriger ses erreurs par des actes concrets et à revenir sur la voie d'un règlement négocié des divergences.»

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